Raphaël Lerays

Scénographe
Dessinateur
Réalisateur
magicien


Animation
Scénographie
Dessin
@


2020


LA FABRIQUE DES FUTURS

BENJAMIN PERET

2019


DE L'AMOUR

POM POM POMMES

MAISON DE L'ERDRE

AFFAIRE MOUSSORGSKI

MACHAHO

2018


EN REMONTANT LA VILAINE

AU FIL DES ARAIGNEES

HERBIERS 44

NECROPOLE DE VANNES

DEPASSER, SE DEPASSER

REINE DES POISSONS

VIKINGS A NAMSBORG

2017


CENDRES DE NOS REVES

LANDES DE BRETAGNE

STRIP TRIPS

2016


PLUMES DE DINOSAURES #2

TOUS DE SORTIE

TRES CHERE AFRIQUE

2015


JULES VERNE GRAND ÉCRAN

VOEUX DELCOURT

CAMILLE

S.E.N.S.

PLUMES DE DINOSAURES

BLEU VIOLON

LABOTANIQUE

BD SONORE

2014


LIVRE GRAVITAIRE

BESTIAIRE IMAGINAIRE

PERRIERES FILM

2013


TOUT BIEN REFLECHI

LA BOURSE OU LA VIE

PLAISIRS DE L'EAU

2012


MOULIN DU RITOIR - GFX

MOULIN DU RITOIR - SCENO

MOULIN VILLEVEQUE #2

MOULIN VILLEVEQUE #1

A CHEVAL SUR LA LUNE

ATELIER THEATRE

L'HOMME QUI AVAIT PERDU...

QUELQUES DESSINS ANIMES...

2011


CHATEAU D'OUDON - DESSINS

CHATEAU D'OUDON - SCENO

RUE CHANOINE LAROSE

HERBIERS TRESORS VIVANTS

LOIRE SUBAQUATIQUE

AU PIED DU MUR

2010


JACQUES DEMY

64 LIVRES D'ARTISTES

3 MIN 14 SEC 16 IMG

ARLEQUIN

2009


EN ROUTE MAUVAISE TROUPE

LE VELO D'ADELE

AGENDA 21 (CHAPELLE/ERDRE)

2008


PAUL EMILE PAJOT

KEKÇA POESIE

COMICS WORLD EXPO

2007


REPLI

TERRE DE SCHISTE

2006

2005

2004

2003


PERRIERES > APD

PIERROT>

PERRIERES > APS

2002


COMEDIE ENFANTINE

TRAIN FANTOME

2001


CALDERON

LULU

SO WHAT

CHAUMONT 2

SOURCE

2000


CHAUMONT 1

1999


C42

*

PROJETS DE PAPIER

*

ADRESSES CONNEXES

 inst XBIOS(2) - INSTAGRAM

XBIOS(3)

STRIP TRIPS

VIDEOS #1

VIDEOS #2

*

TELECHARGEMENTS

*

Raphaël Lerays
46 rue Chanoine Larose
44100 Nantes (France)


SO WHAT / MY FAVOURITE THINGS

Emission radiophonique, 1997 à 2001, Alternantes FM

[En collaboration avec Jérôme Veuve + Sébastien Morineau pour le rodage]



(A suivre, le texte d'une émission qui ne fut jamais diffusée pour des raisons techniques : Une rencontre avec Jacques Gaucher, architecte, enseignant à l'Ecole d'Architecture de Nantes, et responsable de la mission française au Cambodge.)

DERUSHAGE JACQUES GAUCHER 13 DECEMBRE 1998

-présentation mr gaucher

-parcours musical ?

-parcours en zigzag; pointer l’oigine, mes centres d’intérêt en musique: piano et voix, deux éléments musicaux qi depuis que je m’intéresse à la musique me fascinent

-vous jouez du piano ?

-j’ai joué, mes activités en orient m’ont un peu coupé du piano. instrument du chez soi; 1902, sur le site, femme d’un achéologue a commandé son piano, qui est tombé dans la douve d’angkor. j’ai abandonné dès que j’ai voyagé. pas une technique suffisante pour arrêter, recommencer... à volonté.

-drame entre vous et piano ?

-j’ai arrêté définitivement. écart entre moi et mon piano; je partais trois ou quatre mois, quand je revenais je ne pouvais plus me mettre au piano; avant, déchiffrage; je passais des jours entiers avec des génies, à travers la partition.

-avec les compositeurs compositeurs ?

-seul, moi, face au piano, et j’ai eu la chance de rencontrer un maître, pendant peu de tems: jacques bissilia; qui m’a enseigné la musique comme j’espérais qu’elle me fut enseignée. j’avais joué quand j’étais petit, puis j’avais fui les cours de piano, j’étais turbulent. j’ai repris le piano vers 25 ans

-rencontre avec la musique vers 17 ans, réellement (quand je jouais du piano, je peux pas dire que je rencontrais la musique, je faisais un exercice); je m’intéressais à la musique de l’intérieur, j’étais très inquiet des professeurs.

-professeur le moyen le plus efficace, disque pas suffisant ?

-on ne peut pas s’intéresser à la musique sans pratiquer. pratique de la musique, pas tout seul: rencontre avec un guide

-enregistrement insuffisant ?

-je crois. écoute permet une rencontre; expérience de l’écoute. musique passe bien sîr par le disque, à notre époque, mais aussi par la présence réelle d’une pièce qu’on interprête, et par l’écoute directe au concert. Ça ne peut pas être qu’une chose virtuelle

-pianiste dont je vais parler a refusé longtemps de faire des disques; enregistrements pris lors de concerts public. présence au monde, aux autres dans le concert, qui n’est pas dans le disque.

-exemple de glenn gould ?

-il a pensé que le concert (il s’est trompé, je pense) était fini, et seulement travail en laboratoire

-recherche de perfection ?

-perfection totale entre lui et le piano. mais je crois que la musique est faite pour être restituée dans l’instant aux autres. dimension collective de partage, que je vois altérée dans le disque. souvent, on ne peut bien comprendre le disque que quand on a soi-même travaillé la partition, ou assisté au concert.

-fin de concert de gilels, on a pas applaudi, pendant quelques secondes, on était ailleurs que dans un spectacle; partage direct de l’artiste, qui a rendu la musique présente à nous, entre nous. c’est la force de ce partage, la force de la musique, c’est pas seulement une production musicale.

-société, pour un tas de raisons, diffuse par le biais du disque, de l’émission télévisée; il n’empêche que l’expérience réelle, sensible différente, c’est quelqu’un qui joue devant, pour, avec vous.

-importance du public ?

-certainement. et le moment lui-même, je crois à l’instant; ce qui se dit maintenant n’est pas ce qui se dira demain, sinon c’est catastrophique; musique art du temps, trois fois la même note, ce n’est pas la même note, parce que c’est la troisième fois.

-Ça se fait dans l’évênement, dans la présence; la relation partagée, par l’écoute, unilatérale; le corps qui joue, j’ai compris des choses en voyant Gilels jouer; ce qui m’intéresse, c’est ramener à l’expérience, à la présence musicale, ce qui se fait à un moment donné.

-présenter gilels ?

-ce qui me paraît important, la musique existe particulièrement à travers l’interprétation. bien sûr, il y a des pièces plus savantes que d’autres, plus compliquées, mais on ne peut les connaître réellement que par le biais de l’interprétation. autant de musiciens que d’interprétation. je voudrais mettre l’accent sur ça.

-bonne composition permet variété d’interprétation ?

-pas sûr. paradoxe musique; quelque part c’est écrit (certains laissent une plus grande part à ‘interprétation); il reste tout ce qu’il y a entre les notes. elles sont écrites, il y a des signes, notes, durées, hauteurs, et tout reste à faire. ce qui m’intéressait quand je jouais, c’était de tester une sorte de vérité de l’oeuvre, objective, mais qui ne peut s’appréhender que par un état de grande subjectivité. c’est paradoxal. à un moment, la subjectivité trahit l’oeuvre, à un autre elle ne la trahit pas.

-interpréter: se rapprocher du sentiment du compositeur ?

-évidemment: connaissance de l’histoire, quelle période de composition, signification pour le compositeur; génies, hommes qui parlent profondément à d’autres hommes

-quel morceau de gilels ?

-morceau qui n’est justement pas le plus grand morceau de musique de beethoven, mais ce qu’en fait Gilels est absolument extraordinaire. pas obligatoirement la qualité du morceau qui m’intéresse, mais surtout la manière musicale de rendre compte d’une composition. frère jacques par Gilels, ça devait être favuleux.

-commencer par les 32 variations en ut de beethoven; Gilels en 1968, en public. disque que j’ai trouvé à new delhi, du temps où l’inde était en relation avec l’union soviétique, pays non aligné, liens tissés par Nehru. il y avait une librairie soviétique à Delhi, avant la chute. je connaissais cette interprétation, j’en ai acheté sept, et je les ai donné à des amis. pour moi ça reste une interprétation merveilleuse.

-gilels pas connu à cause du bloc de l’est ?

-non, je crois pas. bien sûr, les pianistes di bloc de l’est ont mis du temps à sortir, à obtenir l’autorisation de faire carrière à l’étranger. richter et gilels pas comparable; gilels resté en retrait; richter a beaucoup produit, énormément de disques, pas Gilels, qui était peu médiatique. il était très humble

quelqu’un qui l’avait connu, je lui ai demandé comment est-il ? il m’a fait cette réponse, étonnante, “il est totalement gentil”. quand on le voit sur scène, il avait l’air méchant, les traits durs, slaves. richter plus extravagant. Gilels en retrait, ça ne pardonne pas beaucoup, pris entre le moned soviétique et la médiatisation occidentale, ça ne fait pas une grande célébrité.

-grand musicien consacrant sa vie à l’interprétation

-où mettre une part de lui-même, dans ce travail ?

-c’est une vraie question, en apparence. c’est un travail sur soi-même, la pièce. écrite à un moment donné, entendue dans la tête du compositeur, et il va falloir s’approcher au maximum de l’idée du compositeur. travail de décantation, et trouver après en soi-même toute la profondeur de cette pièce.

-liberté immense dans la musique classique, autant qu’en jazz, mais moins donnée, elle résulte d’un travail de profondeur, paradoxal. il faut être totalement soi-même, et ne pas y être

-se mettre un peu dans la peau du compositeur ?

-pas un peu. il faut tout mettre de sa personnalité; de sa propre joie, de sa propre souffrance. il faut aller chercher au fond de soi-même. si les compositeurs sont des génies, ils ont été puiser en eux-mêmequelque chose de profondément humain. celui qui interprète, doir retrouver d’où le compositeur a parlé, de quel endroit. travail de la sensibilité.

-il y a une liberté à chercher à tâtons; ne pas y mettre trop de soi

-mon professeur m’avait un jour donné une pièce de chopin à travailler. j’ai joué cette pièce et j’ai eu mal à la tête. sans faire le rapport. et mon professeur m’a fait comprendre le rapport. c’était une pièce de chopin très dangereuse (comme beaucoup de pièces de chopin). on peut jouer seulement des notes, certains pianistes font ça. mais comme chopin raconte une douleur extrême, il faut faire attention à ne pas venir y plaquer sa propre douleur. et pourtant que tout notre être souffrant soit là. comme on dit, brûlez, mais ne vous brûlez pas. état d’être où je puis dire ma douleur sans m’y engouffrer complètement. si on s’engouffre, on est malade.

-si on ne prend pas la distance, le résultat est mauvais ?

-non seulement il est pas bon, maos il touche le corps aussi. A la fois une distance et en même temps une certaine proximité

-magie dans ce travail, alchimie, se laisser piéger par quelque chose qui est plus fort que soi ?

-peut-être je mets l’accent sur ce côté assez grave, mais c’est cette rencontre qui m’intéresse; il y a d’autres musiques plus frivoles, légères, de l’ordre du divertissement, etc. il y aussi une grande musique qui est recouverte par des formes du divertissement, ça c’est l’histoire de la musique, qui montre des formes différentes du sentiment

-période romantique: le sentiment est plus profond, période classique: il est plus masqué par une forme

-j’aime bien le mot magique; émerveillement, expérience religieuse, sacrée; expérience profonde de l’individu. les grands musiciens m’ont un peu fait toucher le vetige, la profondeur de cette expérience.

-Ça vous est arrivé de toucher du doigt la fibre d’une pièce en particulier ?

-à mon tout petit niveau, il y a un moment où vous jouez; et puis il y a un moment où ça joue; mais ce ça est extrêmement détaché, et en même temps surdéterminé dans la musique classique. moment où ça joue en voue. idem respiration, moment où on respire, et celui où l’on prend conscience que ça respire en nous. l’ordre s’inverse. c’est la même chose au piano, quand vous découvrez que vous faites la note en appuyant, c’est la première chose qui vient à l’esprit, mais il y a un second stage où on fait la note en enlevant ses doigts, et c’est peut-être dans ce rapport dans le fait qu’on appuie, et qu’on enlève aussi pour faire de la musique. Je pense qu’il y a là un mystère, c’est pour ça que j’aime bien le mot magique.

-apprentissage du corps, maîtrise de son corps ?

-je pense qu’on fait la musique avec son corps. maintenant, il y a des musiques que l’on fait autrement, et là je suis perdu. ça existe, mais ça ne m’intéresse plus beaucoup. parce qu’on gomme quelque chose d’humain qui est d’avoir un corps. tout passe par notre corps; même si on veut essayer de sauter par dessus ça. pour moi, aimer la musique, c’est aimer en faire, et ça veut dire faire fonctionner son corps. il y en a qui vont souffler, moi j’aurai été incapable de souffler, c’est pas moi; y en a qui vont faire frotter les cordes, moi j’aurai pas pu jouer du violon

-pour moi, ça passe par la main, le toucher, le retrait des mains; créer de la mélodie avec un instrument de percussion; et en même temps, ces pianissimo qui font que cette percussion disparaît. donc par le biais de la main, enjeu corporel, que je retrouve dans l’amour, dans d’autres domaines...

-exemple de gilels, il jouait avec son corps, extraordinaire conscience de ses 10 doigts. peser de manière différente avec ses dix doigts, pendant des accords où tous les doigts jouent. sensibilité extrême.

-pas seulement le doigt; bras; épaule; masse du corps, présent, mais qui en même temps qui se retire totalement; gilels artiste léonin, à un moment toute la masse du corps est emportée. ça passe par le corps.

-je pense gould qui chantait en jouant;

-Il le regrettais beaucoup, je crois

-et là je pense que son corps ne pouvait pas tout dire avec le piano, quelque chose ne se disait pas avec le piano, et qu’il était obligé de signifier par le chantonnement.

-la maîtrise du corps n’est pas seulement physique, mais aussi celle des sentiments ?

-ça passe par la conscience de son corps, de son poids, du souffle; c’est vrai dans la voix aussi. les compositeurs composent avec leur corps. à un moment donné, sans doute que les grands musiciens doivent avoir le sentiment du corps du compositeur. la musique, c’est une in-formation du corps. rendre compte de la démarche physique du compositeur.

-chopin et son problème de souffle, c’est évident, il était phtysique, et c’est évident. triple croche, une blanche, et on a la respiration du compositeur.

-avoir la maladie de chopin pour jouer chopin ?

-voilà le paradoxe: non, c’est surtout pas ça, l’interprétation; retrouver et jouer la maladie de chopin sans l’avoir; sinon vous tombez malade. (exemple du professeur qui se trouvait mal quand il interprétait chopin). le corps est touché, si vous procédez d’une certaine façon, vous le prenez en pleines tripes.

-jouer une partition, c’est être capable ouvrir son corps à une possible transformation, mais il faut jouer. c’est du jeu

-dans le sens jeu d’acteur ?

-y être et ne pas y être, pour l’acteur, si il devient l’assassin qu’il joue, c’est catastrophique, et en même temps il faut qu’il soit complètement l’assassin.


GILELS


-voilà, quoi

-on peut parler autour...

-j’aurai aimé qu’il soit là, et qu’il puisse un jour nous en parler. c’est prodigieux. derrière tout ça, le travail colossal, travail pour arriver à une liberté absolue

-en art: rigueur et spontanéité ?

-pour Gilels, tous les critiques musicaux s’accordent pour dire que c’est totalement la partition; il s’écarte pas. et à chaque fois son interprétation me montre des lectures que je n’avais jamais eues. exemple de sonate au clair de lune, rigueur mathématique et poésie épanouie. a la fois dans la construction de l’ensemble, idée de la forme générale; les premières notes qu’on entend, se font par rapport aux dernières. on est dans la totalité et dans l’instant.

-jazz; nombre de barrière qu’un interprète classique se met avant de pouvoir s’exprimer. discipline classique ?

-derrière tout ça, il y a le patrimoine, qui m’émeut beaucoup; il a eu des professeurs, dont l’un a été l’élève de liszt. même pas le travail d’une vie, mais de plusieurs générations. transmission unique, trésor dont on a peu idée, surtout dans le monde actuel qui se ppermet de tout rejeter comme ça simplement pour faire apparaître du nouveau. attention...

-apprentissage du pianiste, le bon musicien, c’est celui qui a vécu ?

-oui, c’est certainement vrai, encore qu’on peut faire des expériences profondes en étant jeune. Ne serait-ce que par le travail. durée essentielle, travail, tout ça n’est pas donné au départ. le temps est une donnée, il y a des jeunes qui font des interprétations magnifiques, il n’empêche que c’est rare, ils le font par une sorte d’état de grâce dont on ne sait pas bien d’où il vient... rapport à l’enfance, pour se retrouver dans un état de jeu. (...) (laisser le temps à la sensibilité de se rééquilibrer)

-certains compositeurs se prêtent moins à être joués par les jeunes ? beethoven

- vivre, pleinement. et en même temps prendre l’expérience douloureuse de ce qu’il y a, pour repredre le mot de freud, au-delà du principe de plaisir. construction sur des deuils, des souffrances, la mort... qui approfondissent la sensibilité. c’est contradictoire avec notre époque, où on demande à des jeunes pianistes de produire rapidement.

- pas forcément une question d’âge

-non, on peut faire des expériences profondes, jeune, et arriver à les mettre en ordre. mais ce qu’il faut voir, c’est la dimension du travail technique qui existe aussi. qui permet des interprétation brillantes. sur la liberté dont vous parliez pour le jazz, on peut penser à schubert, et écouter un lied de schubert. moi je suis passé du piano au lied, lieder allemand qui se distingue de la chanson française, qui est une production bourgeoise et extrêmement savante. debussy, travail sur la langue française dans les salons parisiens, très détaché du peuple. alors que le lied allemand était plus lié au populaire. toute ma sensibilité a été donnée par les lied. on peut écouter un lied de schubert, qui est le compositeur du presque rien. (interprètes...) j’ai malheureusement écouté des concerts où on passe du presque rien au rien absolu, et là c’est terrible. mais quand du presque rien on fait une totalité, un tout, alors là c’est absolument gigantesque.


Schubert


-(lieder) proche de la disparition. je me souviens en inde, vous savez en inde on attrape des fièvres, d’un seul coup on a 40, et on gèle, on claque des dents. je me souviens, j’avais quelques cassettes, j’écoutais schubert, et j’ai eu un sentiment étrange de la proximité de la mort. y a des lied, il n’y a presque plus rien.

-sentiment morbide pour ce style musical ?

-sentiment qui traverse le romantisme. quad schubert reprend le poème le roi des aulnes, avec cette chevauchée à travers la forêt, la nuit, avec son fils malade dans les bras. dialogue entre le père et le fils, dans la forêt romantique allemande, les interprètes font la voix du père: “calme toi mon enfant”, le cheval continue de chevaucher, avec le piano, et au lever du jour, quand ils arrivent, “dans ses bras l’enfant était mort”. la mort est un thème qui traverse le romantisme allemand. Schubert, Schuman... romantisme allemand différent des lumières françaises, mais je suis élevé à ce lait. je m’en suis sorti grâce à Bach, mais mon lait c’est le piano, c’est schuman...

-bach plus serein, cartésien

-je ne saurai pas bien parler de bach, c’est tout à la fois. je pense que ce n’est pas trahir bach que de lui donner à certains instants un romantisme. passion selon saint matthieu. bach, c’est l’équilibre entre ce qui m’est cher, l’appréhension sensible du monde, et la rationalité. équilibre difficile, que notre siècle n’arrive pas à faire, en archi on pourrait en parler. le romantisme est une dimension de l’homme, qui nous ramène à une intériorité. sentiment affectif entre soi-même et le monde extérieur, qui n’est pas le pru produit d’ue rationalité, mais aussi d’une subjectivité, que les romantiques ont poussée jusqu’à la folie, et à la mort pour beaucoup. schuman meurt à 41 ans, shubert à 31 ans, c’est des types qui traversent la vie comme des flèches, avec une intensité de relation au monde époustouflante, une trop grande intensité sans doute. (...) relation sur la voix et le piano, au 19° siècle allemand. (...)

-petite surprise: premier morceau de jazz ce soir. transition entre classique et jazz...

(le morceau passe)

-c’est une composition très classique, formellement équilibrée, raffinée, élégante.

-en même temps, un peu l’exercice de style du prof d’université...

-par rapport au disque de gilels, jeu beaucoup moins coloré, alors que la partition classique peut être considérée comme un carcan.

-approche très intellectuelle de la musique, très composée, qui fonctionne bien

-c’est sûr qu’on sent pas la souffrance...

-non, mais on n’a pas à sentir la souffrance tout le temps. il faudrait quand même mettre un bémol à la souffrance. la musique, c’est pas seulement ça. en même temps, la musique c’est une forme de jubilation. on peut écouter le concerto pour deux pianos de bach, vous allez voir, là aussi c’est une véritable jubilation.


Bach (le morceau passe)


-là, on peut dire que ça joue, vraiment. dimension jubilatoire, dans le dialogue entre les deux pianistes. discrétion de l’orchestre, humilité des deux interprètes, qui laissent l’oeuvre se jouer. C’est extrêmement raffiné, dans un mouvement perpétuel, on voit pas pourquoi ça s’arrêterait, ça paraît naturel.

(il montre des phots de Gilels) il est mort en 1985, ça n’a fait qu’un entrefilet dans les journaux, en dernière page... je me pose même la question si il y a eu une émission télé sur lui, pas sûr. (...)

un des lieder qui va marquer la fin du 19° siècle, c’est le dernier des 4 lieder de richard strauss, qui est d’une beauté absolue, qui marque la fin d’un monde, le monde classique, le monde romantique. à vienne, au début du siècle, vous savez la révolution qui s’opère, peinture, musique, archi, même dans le domaine de l’âme, avec freud. rupture, oeuvres différentes avec debussy, stravinsky. C’est un crépuscule, celui d’une époque et celui d’une journée, ça s’appelle dans le rouge du soir.


Strauss


- dimension percussive du piano; bela bartok.


Bela Bartok


-on a reconnu un morceau qu’on attribuait, raphaël et moi, à keith emerson.

-il y a plusieurs choses, mais comment les amener ? pélléas et mélisandre, dom juan... qu’est-ce qu’on fait. et le fin de la passion selon saint matthieu.

-j’avais une ultime question: comparer classique au jazz, les fortes têtes qui innovent, c’est plutôt des jeunes. progression dans la manière d’interpréter, ou plutôt rayonnement de possibles ?

- moi je crois qu’il n’y a pas de progrès. pas de progrès du tout. il y a des progressions, si vous voulez, mais y a pas de progrès en art. y a des interprétations diverses en musique. il y a des choses qui sont dites, peut-être qu’on le dira plus jamais de la même manière, mais ça vous parle. maintenant on le dira sans doute pas comme ça, mais c’est pas pour ça qu’il y a un progrès.

-pas progrès comme amélioration.

-je crois pas tellement à ça, interpréter comme il y a 50 ans. d’une certaine manière, on peut jouer sur des pianos anciens. ça a son intérêt, mais musicalement ça n’est pas un progrès, on ne se rapproche pas plus de l’oeuvre. nous sommes complètement différents. justement c’est le problème de l’interprétation, on ne peut jamais faire comme ce qui s’est fait avant. Le nouveau n’est pas... ce n’est pas: il faut faire du nouveau, c’est: il y a du nouveau à faire. c’est de l’aujourd’hui qu’il faut faire, pas du passé, mais ça veut pas dire que l’aujourd’hui est un progrès par rapport à jier, en musique je crois pas. c’est une donnée temporelle d’un monde et d’un individu à une certaine époque. évidemment que les gens qui interprètent en cette fin de siècle, ils ont derrière eux les guerres de 14, 39. ils sont autres. mais justement, c’est intéressant de voir comment en étant autre, on peut toujours rencontrer une interprétation, comme un sorte de rpère. mais y a pas de progrès. d’abord je crois pas au progrès, c’est levi strauss qui a parlé du double sens du progrès. le progrès se fait au détriment d’une chose. il se fonde toujours sur une destruction. en art, il n’y a pas de progrès. même dans d’autres domaines, je disais que je n’employais jamais le terme de pays sous-développé ou en voie de développement. parce que ça voudrait dire que nous on est dans le progrès, et que eux, ils ne le sont pas. mais notre progrès s’est construit sur une destruction. quand un enfant progresse, par exemple qu’il apprend à lire, on peut dire que c’est un progrès, mais quand il apprend à lire il a perdu beaucoup de qualités qu’il avait avant de lire. toute transformation implique une perte. notre époque, elle est peut-être quelque part moins humaine, voyez comment les scientifiques écrivaient à la fin du 19° siècle, ils étaient entre la littérature, et la science. leur écriture nous parlait beucoup plus que celle des scientifiques maintenant. dans le domaine de l’art, je mets en doute cette notion de progrès. ce que je disais tout à l’heure, c’est que c’est très temporel, on a à donner la version de notre époque, qui s’attache à rendre présente une version historiquement datée. il y a un côté éternel, c’est pour ça que je dis qu’il n’y a pas de progrès. on tourne autour d’une chose, on l’épuise jamais. (...) exemple des hommes et des pays lointains, de schuman, qui sont de toute époque. ceux de notre enfance existent aussi au 19° siècle, où il y a une enfance. les enfants sont à chaque fois différents, il y a eds rythmes, on entend plus les mêmes choses. quand bach composait, peut-être le rythme le plus effréné, c’était le sabot du cheval. maintenant, il est certain qu’on est dans un univers sonore complètement différent. est-ce qu’il est meilleur ou pas ? non. C’est une question de profondeur. quand on voit les dessins des hommes des cavernes, y a pas de progrès en art. ils ont atteint, là, des régions de la psyché humaine qu’on pourra peut-être pas, nous, atteindre. peut-être pas. on tourne autour d’une énigme, c’est un peu ce qu’on a voulu dire ce soir, on tourne autour d’une énigme du présent avec des invariants éternels. mais... progresse-t-on ? je n’en suis pas complètement sûr. même si ça peut paraître comme ça un peu difficile de le dire. Il y a un éternel à rendre présent.

-mais si on prend un style, on peut voir un progrès formel pour chaque musicien. classique, jazz... enrichissement du vocabulaire.

-peut-être que ça c’est plus des évolutions, parce que plus on avance dans l’histoire, plus on a de choses à négocier. malheureusement, on peut pas tout négocier, alors il y a des pertes. mais de là à dire qu’il y a un progrès, est-ce que le free jazz c’est un progrès par rapport à ce quil y a avant ? non. c’est une autre forme de dire le temps. les hommes préhistoriques le disaient sous d’autres formes. là, on aurait pu écouter les psalmodies bouddhistes, les moines avec des sabots qui font une ronde... ça dit quelque chose de très important du monde, aussi. du monde et du son, d’ailleurs. On voit bien, notre époque, après avoir fait tout ce travail sur le son, réintroduit le bruit. je vois pas de progrès, je vois qu’une manière plus ou moins large de rendre compte d’un éternel humain. moi c’est ça qui m’intéresse.


au revoir, etc.