Raphaël Lerays

Scénographe
Dessinateur
Réalisateur
magicien


Animation
Scénographie
Dessin
@


2020


LA FABRIQUE DES FUTURS

BENJAMIN PERET

2019


DE L'AMOUR

POM POM POMMES

MAISON DE L'ERDRE

AFFAIRE MOUSSORGSKI

MACHAHO

2018


EN REMONTANT LA VILAINE

AU FIL DES ARAIGNEES

HERBIERS 44

NECROPOLE DE VANNES

DEPASSER, SE DEPASSER

REINE DES POISSONS

VIKINGS A NAMSBORG

2017


CENDRES DE NOS REVES

LANDES DE BRETAGNE

STRIP TRIPS

2016


PLUMES DE DINOSAURES #2

TOUS DE SORTIE

TRES CHERE AFRIQUE

2015


JULES VERNE GRAND ÉCRAN

VOEUX DELCOURT

CAMILLE

S.E.N.S.

PLUMES DE DINOSAURES

BLEU VIOLON

LABOTANIQUE

BD SONORE

2014


LIVRE GRAVITAIRE

BESTIAIRE IMAGINAIRE

PERRIERES FILM

2013


TOUT BIEN REFLECHI

LA BOURSE OU LA VIE

PLAISIRS DE L'EAU

2012


MOULIN DU RITOIR - GFX

MOULIN DU RITOIR - SCENO

MOULIN VILLEVEQUE #2

MOULIN VILLEVEQUE #1

A CHEVAL SUR LA LUNE

ATELIER THEATRE

L'HOMME QUI AVAIT PERDU...

QUELQUES DESSINS ANIMES...

2011


CHATEAU D'OUDON - DESSINS

CHATEAU D'OUDON - SCENO

RUE CHANOINE LAROSE

HERBIERS TRESORS VIVANTS

LOIRE SUBAQUATIQUE

AU PIED DU MUR

2010


JACQUES DEMY

64 LIVRES D'ARTISTES

3 MIN 14 SEC 16 IMG

ARLEQUIN

2009


EN ROUTE MAUVAISE TROUPE

LE VELO D'ADELE

AGENDA 21 (CHAPELLE/ERDRE)

2008


PAUL EMILE PAJOT

KEKÇA POESIE

COMICS WORLD EXPO

2007


REPLI

TERRE DE SCHISTE

2006

2005

2004

2003


PERRIERES > APD

PIERROT>

PERRIERES > APS

2002


COMEDIE ENFANTINE

TRAIN FANTOME

2001


CALDERON

LULU

SO WHAT

CHAUMONT 2

SOURCE

2000


CHAUMONT 1

1999


C42

*

PROJETS DE PAPIER

*

ADRESSES CONNEXES

 inst XBIOS(2) - INSTAGRAM

XBIOS(3)

STRIP TRIPS

VIDEOS #1

VIDEOS #2

*

TELECHARGEMENTS

*

Raphaël Lerays
46 rue Chanoine Larose
44100 Nantes (France)


LA VIE EST UN SONGE

Un théâtre pour la vie est un songe de Calderon de la Barca

(A partir de la comedia de Calderon de la Barca  et du postulat que chaque texte dramatique sécrète, induit, nécessite un ou plusieurs espaces/temps inséparables de la fiction originale, concevoir un théâtre unique pour la représentation de cette œuvre; maquette volume au 1/20° avec prise en compte des éclairages, des costumes, du mobilier, des accessoires)



Direction de la recherche
Ecouter un texte dramatique. Recréer fidèlement la dimension sonore de l’univers imaginé par Calderòn, et partir de cette sensation pour engendrer un nouvel univers, celui de la représentation théâtrale de son texte.


Parti scénographique

Comme la grotte à Bethléem qui a vu naître le Christ, et qui est aujourd’hui enchâssée dans une chapelle,
telle une relique... Ici, un théâtre s’est installé autour d’un gros rocher à cause des fantômes qui en sortent parfois, pour conter l’histoire du Prince Sigismond. Des coursives ont donc été érigées, qui encerclent le rocher (comme un belvédère donne un point de vue privilégié sur un site archéologique).

C’est une dent creuse, quelque part dans la ville.
La démolition a mis au jour la geôle de Sigismond, creusée dans la roche.
On a monté des échaffaudages pour permettre aux gens d’assister au phénomène, tant qu’il se manifeste.
Le temps d’une représentation, les murs écorchés de ce théâtre improvisé deviennent le palais, le vestiaire la garde-robe de la cour...


Premières lectures

Lecture à voix haute, pour entendre la métrique (rythme, rimes, pauses, souffles...) du texte traduit par Bernard Sesé. Les effets acoustiques écrits pour les personnages peuvent ainsi apparaître (allitérations, changement de rythme, cassure de certaines phrases, assonances...)

Mais au-delà des effets sonores "intentionnels" (stylistiques) disposés par Bernard Sesé, il importe surtout d'être très disponible vis-à-vis du texte, et attentif aux visions qu'il engendre: Associations libres, sans penser encore au projet scénographique (pas de contraintes matérielles, économiques... On peut alors s'imaginer travailler à une série d'illustrations ou à un film pour se libérer des entraves et difficultés rencontrées sur une scène réelle). Ces "visions" que le texte fait naître dans mon esprit doivent toutes être rendues tangibles, enregistrées: par le dessin, ou par les descriptions textuelles dans le cas des sons. Elles peuvent également être des références, graphiques, musicales, sonores...


Relectures

Deux types de recherche sont alors menées simultanément, l'une est documentaire et l'autre est, comme décrite précédemment, intuitive.
A partir de sons «écoutés» dans le texte, des maquettes d’étude viennent cristalliser des idées de volumes, de matières... Peu à peu le théâtre s’esquisse, se dessine. Les scans de ces maquettes serviront à l’esquisse du story board, la version définitive s’appuyant sur les vues de la maquette finale.


Recherche documentaire

Décortiquer le texte, à la manière d'une enquête, pour connaître toutes les informations distillées par l'auteur au fil de l'action qu'il raconte. Cette étape est très analytique, c'est une recherche d'indices, et une mise en évidence des "trous", des vides laissés par l'écrivain à notre imagination.

Elle intéresse les sons, les images en présence desquels l'action elle-même nous place. Les sons décrits par l'action: les accessoires, les matériaux, les armes, les actes, les musiques... Pour tâcher d'être exhaustif, il faut éplucher le texte, dresser l'inventaire des éléments qui sonnent, ou sont susceptibles de le faire.

Un exemple: L'arrivée du Roi dans la salle du palais, où l'attendent Astolphe et Etoile. Ce passage du texte de Calderòn est significatif car il regroupe plusieurs sortes d'indications concernant le domaine sonore:
-Quelques didascalies nous renseignent, elles donnent des renseignements extrêmement précis, et avec concision. Mais ces indications sont à prendre au conditionnel: Le corps de l'action est presque tout entier contenu dans le texte prononcé par les acteurs, prioritaire sur les indications scéniques qui ont pu être écrites ou traduites avec approximation.
"Roulement de tambours
Entre le Roi Basyle, un vieillard, avec son cortège"
-L'instant d'avant, la parole est coupée à Astolphe "par tous ces instruments sonores annonçant l'arrivée du Roi, suivi de son cortège."
Dans la longue tirade qui s'ensuit, dite par le Roi Basyle, d'autres indices modèlent l'environnement sonore du palais. Certains sont intimement liés à l'action:
"Je ne vous demande en cette occasion,
que le silence;" (Vers 597-598)
Le vieux souverain intime l'ordre à l'assistance de baisser d'un ton, afin qu'il puisse se faire entendre.
"Vous savez—prêtez-moi attention,
mes chers neveux,
illustre cour de Pologne,
vassaux, parents et amis—" (Vers 600 à 603)
Beaucoup de monde se presse dans la salle du palais où le discours est proféré, et pour cette raison peut-être, Basyle dont la vigueur est diminuée peine à se faire entendre. Une seconde fois le roi est contraint de demander le silence, avant de révéler l'existence de son fils.
Puis, du moment de ce coup de théâtre jusqu'à la fin de la tirade, le Roi ne fait plus d'adresse à son public, probablement trop ébahi pour continuer à se manifester...
D'autres indices sont d'ordre métaphorique: Les sons que le texte fait entendre, même si l'action ne nous met pas directement en leur présence. Ils sont nombreux dans La vie est un songe, car la langue de Calderon est très imagée. On entend presque disctinctement le tintement de
"Ces cercles de neige,
ces baldaquins de verre,
que le soleil illumine de ses rayons,
que la lune découpe en tournant,
ces orbes de diamants,
ces globes cristallins
qu'ornent les étoiles,
où trônent les signes des astres, (...)" (Vers 624 à 631)
Ils échappent au cours de l'histoire, semblent exister hors de l'instant présent, mais en sont pourtant inséparables.

Quand on y revient avec sans cesse davantage d'insistance, le texte semble une matière en expansion, qui peut s'étirer sans jamais perdre en densité. Ainsi, le discours du vieux Basyle nous permet d'écouter la grande salle du palais (comme cette ambiance pourrait nous être restituée par un microphone).
Cette étude est dite documentaire car elle est pratiquée comme une enquête, une collecte d'indices, avec un souci d'exactitude et d'objectivité.

Comment la mode de l'époque enveloppait-elle les corps, quelles étoffes sifflaient en glissant l'une contre l'autre ? Quel était le poids des armes qui équipaient les guerriers, le tintement de leur métal était-il arboré fièrement ou dissimulé derrière un lourd manteau ? Quelle était la dimension de la scène pour laquelle Calderon a pensé son texte, conditionnant en grande partie l'intensité de la voix des acteurs et leur diction ? Quelle était la place du théâtre dans la cité, au centre d'un parvis tumultueux ou engoncé dans l'intimité d'un patio ?

Toutes ces données ne sont pas recueillies pour singer le théâtre de l'époque de Calderon, mais il est essentiel de bien les connaître, si l'on veut ensuite s'en détacher en toute connaissance de cause.

On perçoit bien ici que les indices sont éparpillés partout dans le texte, formant un tissu/motif complexe dans lequel il faut s'inventer ses propres parcours, déambulations...


Recherche intuitive

Les sons et les images que le texte m'évoque, à moi précisément. Ici il ne s'agit pas, a contrario de la recherche documentaire, de s'échapper du texte (surtout pas, on ne doit jamais le quitter mais tourner autour de lui de mille façons différentes), mais d'être à l'écoute de la résonance que trouve le texte en moi, sans me censurer, en évitant de mettre de côté a priori telle ou telle idée qui me paraitrait saugrenue de prime abord.

Ces recherches aboutissent à une collection de documents, qui chacun à sa manière parle d'un projet possible pour La vie est un songe de Calderon: Parfois, grâce à un plan global sur l'ensemble de l'oeuvre (la lecture d'un texte peut tout-à-fait imposer à l'esprit une impression acoustique abstraite, à la fois très juste, précise et très personnelle); ou bien par l'illustration d'un lieu, d'un personnage traversé par l'action; ou encore sous forme d'un plan très rapproché, microscopique, focalisant son attention sur une réplique, un geste, un son...

Dans ce petit recueil (qui continuera de s'étoffer au fur et à mesure du travail), plusieurs échelles du projet se côtoient donc, et cohabitent malgré leurs divergences et leurs contradictions.

Puis, affiner le panel des possibles contenu dans le catalogue (faire le tri). En continuant de pratiquer la lecture du texte, entrelacer les motifs collectés intuitivement avec d'autres, issus de l'analyse dramaturgique pratiquée sur le texte.

Exemple d'aller et venue entre image/texte/son: La caverne de Sigsimond
Collecte des termes décrivant la caverne:
Alentours:
-”Dans le labyrinthe confus de ces rocs dénudés”
La caverne:
-”Un édifice”
-”Au milieu de rochers dénudés se dresse
un palais rustique si modeste
qu’il ose à peine regarder le soleil.
L’architecture de l’édifice
est de si grossière façon
qu’au pied de tant de rocs
et de tant de rocailles
qui touchent le soleil,
on dirait un rocher dévalé du sommet.”
-”La porte
(ou plutôt la gueule funeste)
en est ouverte, et de son centre
naît la nuit, car c’est là
qu’elle est engendrée”
-”Obscur habitacle, d’une clarté douteuse”
-”une prison obscure”
-”la sépulture”
-”sous ces voûtes froides”
-”lieu interdit”
-”fermez
la porte de cette étroite prison”
-”Qu’ils ne voient ni
comment ni par où ils sortent.”

Sons évoqués par le texte, tantôt envisageant la description de la grotte dans une globalité (Harmonic Choir, decrescendo très lent, sans début ni fin / Soft Machine, un tintement sur une vibration grave / David Holmes, les sons froids et lisses d’un parking souterrain), tantôt portant sur des matériaux sonores recherchés plus précisément (Pour l’entrée dans la prison, des sons évoquant des variations de densité très fortes, une suite de concentrations et de dilatations...)

L'écoute réduite de ces sons (détachés de leur contexte, des qualités de leur source sonore) mène à une recherche en volume: Qu'est-ce que de tels sons signifient comme mouvement, trajectoire, masse ? Il faut non seulement chercher la représentation spatiale des sons envisagés (structure, matériau, dimension...), mais surtout imaginer comment ils pourraient être produits, et par quel type d'action.

Exemple: John Zorn, extrait de l'album Naked city:
Un morceau composé de deux parties: La première est d’une extraordinaire densité, presque un bruit blanc, elle est jouée extrêmement fort. La seconde fait chuter instantanément le niveau de bruit installé, on entend alors l’écho lointain d’une guitare au son cristallin égrenant quelques arpèges.

Il faut réécouter le son, dix fois, cent fois ou davantage, et alors l’oreille s’affine, se détache des représentations liées aux conditions de production du son, pour ne se concentrer que sur l’image de son elle-même. Il est alors possible de dénombrer, d’isoler et de décrire les matériaux sonores en présence desquels on se trouve, avec une précision quasi clinique, et d’essayer de comprendre la relation de ce corps sonore avec celui de la grotte de Sigismond, décrite par Calderon.

Des indices, jusqu’alors sous-jacents, apparaissent clairement. Le mouvement de l’entrée dans la grotte prend les allures d’une déchirure; le raclement, l’étroitesse traversent une matière compacte pour être ensuite éjecté dans un volume presque immobile et ouaté...

Des maquettes en volume, accompagnant cette recherche, associent les bruits à des matériaux concrets. Le béton, le tissu présents dans le projet final m’ont donc été en grande partie suggérés par la musique de John Zorn; Ces deux matériaux sont utilisés non seulement pour l’imagerie créée sur scène, mais aussi pour la production sonore qu’ils pourront y engendrer in situ, dans le temps de la représentation, lorsque les acteurs les pratiqueront.

On peut faire de même pour tous les sons collectés, et les écouter comme si ils provenaient d'une action théâtrale, ou engendraient une situation particulière: Après s'être accordé une grande liberté de penser, d'imaginer, de dessiner vis-à-vis de l'oeuvre-programme architectural, tous les matériaux collectés doivent être observés d'une façon "neuve", presque naïve, mais se plaçant toujours en perspective du texte original. Si l'on tient compte de cette mise en garde, on peut les utiliser comme une matière première quasiment inépuisable.